GRAND ENTRETIEN AVEC STÉPHANE BAILLY 1/2
«Le Luxembourg est aujourd’hui la base de notre groupe»
Car Avenue célèbre ce mardi la pose de la première pierre de son complexe de 20.000 mètres carrés à Leudelange. Sous l’impulsion de son président, Stéphane Bailly, l’entreprise familiale mosellane bientôt centenaire est devenue un groupe européen de distribution automobile.
Le siège de Car Avenue est désormais au Luxembourg, pourquoi avoir fait ce choix ?
Stéphane Bailly .- «Cela faisait sens puisqu’au départ de notre zone historique de chalandise en Moselle, nous avons développé depuis plusieurs années nos activités au Grand-Duché, mais également en Wallonie. Nous étendrons probablement notre réseau par la suite en Allemagne. Donc le Luxembourg permet, entre autres, d’avoir une position centrale.
Quand avez-vous décidé de faire bouger le centre de gravité historique de Metz au Luxembourg ?
«J’ai repris le groupe il y a 13 ans et très vite, avec l’évolution économique du Luxembourg et l’aspiration naturelle vers le pays, il était important de suivre ce mouvement, d’accompagner nos clients particuliers et entreprises intéressés par le développement du Grand-Duché. Nous avions cette volonté de nous y installer durablement. Ce que nous avons fait.
Le Luxembourg est un terreau plus fertile que la France pour vos ambitions ?
«Nous retrouvons les mêmes spécificités d’un pays à l’autre. En revanche, deux choses sont très différentes: les questions immobilière et foncière au Luxembourg complexifient notre métier ici, comparativement à la France ou à la Belgique. Sur le plan des marques du groupe PSA que nous représentons, l’évolution de la gamme chez Peugeot et l’envol de Citroën nous permettent de proposer des produits qui correspondent très bien à un marché luxembourgeois qui est, par nature, un marché premium et fleet.
«Notre but est de composer avec ce qui existe et malgré tout, de développer les points qui le méritent.» (Photo: Anthony Dehez)
D’où votre investissement dans une nouvelle concession à Leudelange de 20.000 m2 sur quatre niveaux, qui sera la plus importante de votre réseau ?
«Elle devrait être opérationnelle à l’automne 2020. C’est un investissement en propre dont nous ne souhaitons pas dévoiler le montant. En parallèle, nous investissons actuellement huit millions d’euros dans une nouvelle concession en périphérie de Metz, dont l’ouverture est prévue en septembre prochain. Nous ne sommes pas sur les mêmes échelles quant au prix du foncier, mais nous faisons le même métier de chaque côté de la frontière. Ce sont des investissements à long terme.
Cette nouvelle concession à Leudelange illustre-t-elle votre volonté de vous développer au Luxembourg ?
«Le Luxembourg est aujourd’hui la base de notre groupe, cet investissement permet donc de compléter notre présence sur le territoire, surtout avec des marques que l’on porte depuis longtemps dans le groupe et qui répondent vraiment aux attentes des clients au Grand-Duché.
Qu’est-ce qui est important lorsque l’on reprend une entreprise familiale bien ancrée dans un pays ? Y a-t-il des étapes qu’il ne faut pas manquer ?
«Il y a toujours un processus particulier, parce qu’il faut respecter l’histoire familiale de l’entreprise, son passé, etc. L’idée, c’est de capitaliser sur les forces communes, d’apporter un complément au niveau de l’organisation, au niveau des méthodes, par rapport au savoir-faire de Car Avenue. Notre but est de composer avec ce qui existe et malgré tout, de développer les points qui le méritent. Les synergies qui existent au sein même de Car Avenue doivent être une force à chaque reprise.
Nous voulons rester proches de nos marchés, des flux que nous connaissons, qui gravitent tous autour du Luxembourg.
Stéphane Bailly, Président, Car Avenue
Quels sont les grands projets du groupe pour 2019 ?
«Un projet important qui a démarré au 1er mai est la reprise du groupe Andreani en Alsace, qui possède huit concessions Opel, des affaires Kia – que l’on a aussi au Luxembourg et en Moselle – et Hyundai. Cette reprise est complémentaire à notre présence avec PSA en Alsace. Nous avons également un projet qui a démarré au 1er avril: la reprise des affaires Nissan et Toyota d’Ital Group dans le Brabant wallon, qui s’ajoutent à nos implantations Nissan à Liège.
Avez-vous la volonté de vous étendre au-delà des régions existantes ?
«Nous étudions la possibilité de nous installer en Allemagne, par exemple en Sarre, en Rhénanie-Palatinat, ou même dans le Bade-Wurtemberg. Ce sont des territoires sur lesquels nous avons déjà des contacts. Mais pour l’instant, nous n’irons pas plus loin que la Grande Région. Nous voulons rester proches de nos marchés, des flux que nous connaissons, qui gravitent tous autour du Luxembourg.
Comment êtes-vous organisés pour garder une veille sur de potentielles reprises de concessions ?
«À 50%, les opportunités ou les propositions proviennent des échanges que nous avons avec les constructeurs automobiles. Pour le reste, ce sont des contacts que nous entretenons avec des confrères, nos équipes et moi-même.
«Ces dernières années, nous avions quelque peu délaissé ce marché qui se pratiquait d’abord entre particuliers.» (Photo: Anthony Dehez)
Quelles sont vos ambitions au Luxembourg ?
«Avec les dernières acquisitions que nous venons de réaliser, nous faisons désormais partie des acteurs majeurs, l’enjeu est de continuer à tirer profit de notre partenariat avec les marques que nous représentons. Notre groupe représente aujourd’hui un chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros, 2.000 salariés, 80 concessions dans trois pays, 60.000 véhicules vendus, dont 36.000 véhicules neufs et 24.000 véhicules d’occasion.
Quelles sont vos ambitions dans le créneau du véhicule d’occasion ?
«Ces dernières années, nous avions quelque peu délaissé ce marché qui se pratiquait d’abord entre particuliers. Mais nous cernons un appétit pour des véhicules de ce type de la part des clients. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé notre première plateforme de centre de distribution de véhicules d’occasion, Car Avenue Occasions, entre Metz et Nancy, à Lesménils. Nous voulons aussi proposer des véhicules plus anciens et premium. Ce que nous souhaitons, c’est vraiment couvrir tout le spectre du marché de l’occasion, mais aussi du plaisir automobile, avec des véhicules classiques et des ‘super cars’. Ce créneau correspond aussi à la passion des véhicules classiques, bien présente au Luxembourg.
Pensez-vous que la balance pourrait s’inverser entre les véhicules neufs, qui restent dominants au Luxembourg, et les véhicules d’occasion ?
«On le voit déjà aux États-Unis, où de grandes enseignes de la distribution automobile ont beaucoup plus consacré leurs derniers investissements sur les véhicules d’occasion. Notre métier évolue beaucoup, nous devons étudier tous les leviers en permanence, y compris le marché des pièces de rechange. Notre ambition est de vendre un véhicule d’occasion pour un véhicule neuf dans les cinq prochaines années.
Le Grand-Duché continue dans son élan de manière impressionnante. L’une des questions qui se posent est celle des infrastructures et de la mobilité.
Stéphane Bailly, Président, Car Avenue
Votre perception du Luxembourg a-t-elle changé ces dernières années ?
«Le Grand-Duché continue dans son élan de manière impressionnante. L’une des questions qui se posent est celle des infrastructures et de la mobilité. Nous avons aussi, en tant que professionnel de l’automobile, des réponses à apporter sur ces sujets-là. Grâce à notre positionnement des deux côtés de la frontière, nous pouvons apporter cette vision et essayer de travailler sur des schémas de mobilité avec le gouvernement luxembourgeois et les autorités locales des pays voisins.
Quels sont, selon vous, les points d’achoppement du pays ?
«Si le Luxembourg offre aujourd’hui beaucoup d’avantages d’un point de vue financier, pour les salariés frontaliers principalement, il y a justement les inconvénients du transport. Nous avons un certain nombre de salariés qui sont venus au Luxembourg et qui en sont repartis, en raison des soucis de mobilité. Or, les ressources humaines dépendent en grande partie des pays voisins, et tant mieux pour ces pays frontaliers, mais encore faut-il accompagner ces flux quotidiens. L’A31 est donc un vrai sujet, comme les transports en commun, le carsharing aussi.
Le secteur automobile est-il sous pression politique ?
«Aujourd’hui, il y a en effet une pression assez forte liée aux exigences environnementales, au passage à l’électrification et au développement des nouvelles motorisations. Tous les constructeurs sont logés à la même enseigne, avec de vraies difficultés pour atteindre les objectifs de l’Union européenne. En 2020, l’objectif est fixé à 95 grammes de CO2 par véhicule, et au-delà de 95 grammes, les pénalités seront colossales. Donc il y a une vraie course à l’électrification et aux véhicules hybrides, et les budgets liés à la R & D entraînent des coûts en interne, au niveau des constructeurs, qui pèsent sur nos marges.
Nous devons, chacun à notre niveau, nous adapter à ce contexte économique, en veillant à ce que chaque acquisition soit une valeur ajoutée dans notre dispositif pensé sur la Grande Région. D’où cette volonté de ne pas nous disperser et de concentrer nos forces localement.»
Retrouvez la suite de ce grand entretien ici .
Cette interview est parue dans l’édition de juin du magazine Paperjam.